DAIGNEAULT Chapitre3

chapitre 3 Le statut juridique de l'eau Le statut juridique de l'eau est paradoxal. Il est source de confu·on de certain...

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chapitre 3 Le statut juridique de l'eau Le statut juridique de l'eau est paradoxal. Il est source de confu·on de certaines méprises quant à la propriété de l'eau elle-même, celle plans et cours d'eau, celle de l'eau souterraine et quant aux compétences que peuvent exercer sur l'eau les divers ordres de gouvernement. Dans ce chapitre, il est question du patrimoine commun tant de la nation québécoise que de l'humanité et de la manière dont on peut devenir propriétaire de l'eau. Il est aussi question des choses dites communes à tous et de l'eau en tant que bien et particulièrement de bien marchand. Les diverses qualifications en droit que l'on peut donner à l'eau déterminent les contrôles que l'on peut exercer sur celle-ci et J'usage qui peut en être fait. Un autre chapitre, le chapitre 9, aborde plus largement l'exercice des droits civils sur l'eau, particulièrement des droits d'usage ainsi que d'autres questions d'ordre civil telles que les servitudes naturelles d'écoulement et la responsabilité découlant de la dégradation de la qualité de l'eau.

3.1 L'eau : patrimoine commun

)

Comme on l'a vu au chapitre précédent, l'Assemblée nationale du Québec a adopté en 2009 la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (L.Q. 2009, c. 21, L.R.Q., c. C-6.2, que nous appellerons dans ces pages la « Loi de 2009 sur l'eau»). Lors du dépôt du rapport de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles le 28 mai 2009, Madame Line Beauchamp, alors ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, avait qualifié ce projet de loi de « loi avant-gardiste, une véritable loi du XXIc siècle, en matière de protection et de gestion de l'une des ressources les plus extraordinaires mais les Plus précieuses du patrimoine des Québécois, les ressources en eau». Les dispositions de cette loi nouvelle sont précédées d'une série de dont les trois premiers expriment très éloquemment l'enJeu Prioritaire de la préservation de l'eau : CONSIDÉRANT que l'eau est indispensable à la vie et qu'elle est une ressource vulnérable et épuisable; CONSIDÉRANT que l'eau est une ressource faisant partie du patrimoine commun de la nation québécoise et qu'il importe de la préserver et d'en

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améliorer la gestion pour répondre aux besoins des générations actuelles et futures; CONSIDERANT que l'usage de l'eau est commun a tous et que chacun doit pouvoir accéder a une eau dont la qualité et la quantité permettent de satisfaire ses besoins essentiels:

Dans la foul ée de ces considérations, l'article premier de déclare que l'eau fait part ie du < patrimoine commun de la québécoise ». 1. Etant d'intérêt vital, l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état natu rel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la na tion québécoise. Ainsi que l'énonce l'art icle 913 du Code civil, leur usage est commun a tous et elles ne peuvent faire l'objet d'appropriation, sauf dans les conditions défin ies par cet article.

Pour la préparation du projet de loi, qui était le projet de loi 27 la 39< législature, la ministre avait pu tirer profit des commentaires lui avaient été adressés sur la version antérieure, le projet de loi 92 38
Vu les mots sauf dans les conditions définies par la loi, dont Code civil », cette première version avait le désavantage de vagues les conditions régissant l'appropriation de l'eau. L'article blait ouvrir la porte, par voie législative, à plus d'un mode d'ap lion de l'eau , en apparente contradiction avec l'affirmation q ue ressources en eau font partie du patrimoine commun de la québécoise. Dans la version de la loi telle que fin alement sanction les mots < loi , dont le Code civil » ont cédé la place à une réfé claire à un seul article du Code civil du Québec C.c.Q. »), J'article 9 C'est plus exactement le deuxième alinéa de cet article qui prescrit quelle manière l'eau peut être l'objet d'une appropriation . 913. Certaines choses ne sont pas suscept ibles d'appropriation; leur usage, commu n a tous, est régi par des lois d'i ntérêt général et, a certains égards. par le présent code. L'air et l'eau qui ne sont pas destinés a l'utilité publique sont toutefois suscept ibles d'appropriation s'ils sont recueillis et mis en récipient.

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L'article premier de la Loi de 2009 sur l'eau a toutes les apparences , e disposition déclaratoire. Il ne fait que confirmer à première vue le dun ctère commun de l'eau, caractère que reconnaissait déjà le Code 11 rappelle aussi que, pour se l'approprier, il faut la recueillir et la elY tire en récipient, mais à condition qu'il ne s'agisse pas d'une eau à l'utilité publique. Il ferme donc la porte à toute velléité de toute autre disposition d'une loi pouvant laisser :oire que la propriété de l'eau puisse s'acquérir autrement. Il devrait de clore le débat le statut juridique des eaux souterraines, sur lequel nous reviendrons.

3.1.1 Deux sortes de patrimoine L'article 913 C.c.Q. ne sous-entend pas que l'eau soit une possession ou une propriété détenue en commun par la collectivité. Il y est question d'un usage commun . Fondamentalement, l'eau n'appartient à personne. L'article premier de la Loi de 2009 sur l'eau introduit toutefois dans notre droit un concept qui était inconnu jusqu'ici, celui de «patrimoine commun de la nation québécoise ». Ce concept est pour le moins déroutant. Il est diamétralement opposé au sens du mot « patrimoine » dans le Code civil. Bien q u'on n'y trouve pas de définition de ce mot, sa signification s'infère des dispositions du Code. Il est admis en droit civil qu'un patrimoine se compose de l'ensemble des droi ts et des charges d'une personne, son actif et son passif en quelque sorte. Les droits d'une personne peuvent comprendre des droits de propriété. Un patrimoine peut donc, en conséquence, inclure des biens détenus en pleine propriété. I l peut aussi comprendre des droits incorporels, comme un droit d'usage 1• C'est ici que la notion civiliste de patrimoine s'oppose à celle de Patrimoine commun d'une nation, voire de l'humanité. Comment une ch?se dont l'usage est commun à tous et dont on dit, pour cette raison , elle pas susceptible d'appropriation peut-elle en même temps aire_partie d'un patrimoine? Car c'est l'eau que la loi déclare faire Partie du patrimoine de la nation, plus spécialement les « ressources en et non le droit à l'usage de cette eau, du moins selon le texte de article premier de la Loi de 2009 sur l'eau. Qui plus est, l'attribution de ce Patrimoine commun à une « nation »vient compliquer l'analyse de la 4&a;,s7 Lambton (Municipalité de) c. Staniscia (II décembre 2006), Mégantic Qu' -D00021-{)6J (C.S.), juge Martin Bureau, 2006 QCCS 5484, la Cour a déterminé c. municipalité ne pouvait, en vertu de la Loi sur les compétences municipales (L.R.Q., risq 47 -I), ordonner la cessation d'utilisation d'un puits artésien sur Je fondement du seul aya ue de J'eau devant avoir le statut de bien commun et un propriétaire nt le drott d'utiliser l'eau souterraine se trouvant dans son fond .

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substa nce même de ce concept particulier de patrimoine. Une est une com munauté de personnes, une «collectivité des individus forment un même peuple et sont soumis à J'autorité d'un même nement », selon le Vocabulaire juridique de Cornu, « a commw1ily

people inhabiling a defined rerritory and under an independ. govemmenr », selon le Black's Law Dicrionary (pour ne citer que des définitions de « nation » qui se rapprochent le plus de ce semble viser le législateur dans la Loi de 2009 sur J'eau). L'eau ne être à la fois un bien détenu en commun par la collecti vi té et une susceptible d'appropriation par une personne par simple c'est-à-dire du seul fait de la recueillir et de la mettre en récipient. chose commune serait détenue de manière bien précaire par la vi té. L'utilisation dans nos lois du mot « patrimoine », dans des tions qui n'ont aucun lien avec un quelconque droit de propriété, toutefois pas nouvelle, mais les lois qui s'appuient sur cette particulière du mot restent rares et relèvent de domaines comme l'urbanisme. C'est principalement en relation avec la que le concept a surtout été utilisé. L'expression « patrimoine cul t n'est d'ailleurs pas récente dans nos lois. En matière d'envi ment, mais sans qu'on la définisse cependant , J'expression apparaît 1978 dans le Règlemelll sur l'évaluation er l'examen des impacts sur 1 ronnemelll (R .R.Q. 1981 , c. Q-2, r. 9), dans l'énumération des santes de l'environnement dont doit traiter une étude d'impact J'environnement. Depuis 2006, la Loi sur le développemelll (L.R.Q., c. D-8.1.1) nous fournit une description de ce qu'est le • moine culturel » : Ille patrimoine culturel, constitué de biens, de lieux. de paysages. de traditions e t de savoirs, reflète l'identité d'une société. Il transmet les valeurs de celle-ci de génération en génération et sa conservation làvorise le caractère durable du développement. Il importe d'assurer son identifica tion . sa protection et sa mise en v-Jleur, en te na nt compte des composantes de ra re te et de frag ilité qui le ca ractérisent;

La nouvelle Loi sur le par rimoine culwrel (L.Q. 20 Il , c. 21 , c. P-9.002), qui remplace la Loi sur les bieiiS cullllrels (L.R.Q., c. précise que le « patrimoine culturel » est constitué : de personnages historiques décédés, de lieux et d'événements histo riques. de document s, d'immeubles, d'objets et de sites pat rimoniaux. de paysages culturels patrimoniaux et de pa trimoine immatériel.

Dans cette loi , est « patrimonial » un document, un immeuble, objet ou un site qui présente, selon le cas, un intérêt pour sa « a rchéologique, architecturale, artistique, emblématique, et

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. e historique, paysagère, scientifique, urbanistique ou technologiglqu ' que »· Quelques années plus tôt, le législateur avait aussi introduit le cept de « patrimoine naturel », avec l'adoption en 2002 de la Loi sur du _ naturel (L.R.Q., c. C-61.0 1), un concept par ailleurs non defmt 1 (1er alinéa). La présente loi concourt à l'objectif de sauvegarder le caractère, la diversité et l'intégrité du patrimoine naturel du Québec par des mesures de protection de sa diversité biologique et des éléments des milieux naturels qui conditionnent la vie.

Le patrimoine dont il est question dans les expressions « patrimoine culturel » et « patrimoine naturel » n'a rien à voir avec la notion civile de propriété. Dans les lois où il est utilisé, il apparaît même inconciliable avec les attributs du droit de propriété. En effet, lorsqu'une chose fait partie du patrimoine dit culturel ou du patrimoine dit naturel, elle prend, à la lumière des dispositions des lois relatives à ces matières, une dimension collective qui impose à son possesseur des restrictions particulières, des limites à l'usage qu'il peut faire de son bien, à la jouissance qu'il peut en avoir. Le droit de propriété, en vertu des lois modernes, n'est jamais absolu , certes, mais les contraintes des lois visant à conserver le patrimoine culturel ou naturel s'ajoutent aux contraintes ordinaires d'application générale imposées dans l'intérêt public comme, par exemple, celles résultant des règlements municipaux d'urbanisme. L'objet patrimonial que ces lois se trouve presque évacué du patrimoine du détenteur du bien 2• Il ne peut généralement plus en disposer à sa guise (par exemple, les articles 52 à 57 de la Loi sur le patrimoine culturel imposent des règles particulières à l'aliénation de certains biens; il faut une autor isation du ministre responsable ou lui un avis préalable avant de s'en départir). Le véritable proPnetatre ne l'est plus tout à fait en raison d'une form e d'appropriation collective de son bien mêm e s'il en garde la possession .

3.1.2 Un patrimoine pas tout à fait commun n Dans la Loi de 2009 sur l'eau, la notion de « patrimoine » est

,anquée du qualificatif« commun », alors que dans les lois précitées, il n pas question de « patrimoine culturel commun » ou de « patrirnome naturel commun ». Dans notre droit, l'expression est nouvelle.

lB. Nerubé c. Savard (24 février 2006), Abitibi 605-32-001889-053 (C.Q., petites créances), juge a ormand Bonin , 2006 QCCQ 2077 illustre bien cette réalité. Une entente de conservation le qui reconnaît un patrimoine en vertu de la Loi la ervatwn du patrimoine naturel impose certames obligatiOns. La Cour a reconnu le btenondé d'une act10n . en dommages' eco , 1ogtques. .

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Cette notion de patrimoine commun » est issue en fait du international, où le concept s'est développé dans un contexte part pour ensuite évoluer el voir son application élargie à plusieurs dont certaines ont indéniablement les caractéristiques de choses munes. Il est intéressant, d'ailleurs, que l'apparition de celle notion un certain lien avec l'eau car c'est par le droit de la mer qu'elle est Elle s'est par la suite élargie à l'espace extra-atmosphériq ue, à tarctique, au patrimoine culturel mondial. Dans chaque cas, dans accords internationaux ou les déclarations de l'ONU, ce patri commun est dévolu l'humanité ». Il est bien év ident pourtant q n'en est pas le propriétaire. À certains égards, un tel patrimoine compare à ce qu'on a appelé au Canada le « titre indien », une sorte droit qui n'est ni tout à fait rattaché à la chose (droit réel) ni tout à rattaché à la personne (droit personnel) et qui comporte une incontestablement collective. C'est ici qu'on se bute à un autre des paradoxes que comooi l'expression « patrimoine commun de la nation québécoise ». Loi de 2009 sur l'eau, la communauté du patrimoine connaît une tière. Elle se limite au Québec. Ce patrimoine n'est pas partagé reste de l'humanité, ni même avec le reste de la collectivité Sous ce rapport, il se démarque de la notion de patrimoine corn que l'on retrouve en droit international. Dans ce dernier cas, la de patrimoine transcende les États qui, par l'application de leurs internes, jouent le rôle de gardiens ou de fiduciaires. Le Québec peut-être de celle manière de tenir à l'écart les puissances ou les prises étrangères qui s'intéresseraient à l'eau du Québec. Faut-il y aussi le prélude à la reconnaissance d'un droit préférentiel d'usage l'eau par l'Étal au nom de la nation lorsqu'en conflit avec les privatifs? Celle notion de patrimoine commun servira-t-elle à i ter la notion d'intérêt public ou d'intérêt général que l'on retrouve certains articles du Code civil relatifs à l'eau? Il reste que ce patrimoine, commun sans l'être, semble une forme d'appropriation collective par la nation alors qu'il porte une chose qui, juridiquement, est commune à tous, sans distinction nation , de territorialité ou autre clivage de même nature. On ne prétendre, par exemple, que l'étranger qui séjourne au Québec el breuve à même l'eau d'un ruisseau (à ses risques!) soit en train s'approprier une partie du patrimoine commun d'une nation dont il fait pas partie. De même, le Québec ne peut certes pas reven diq l'État fédéral une compensation pour les volumes d'eau qu'il « parce que déversés en permanence par les ri vières du Québec dans mers intérieures bordant ses côtes! L'avenir seul nous dira co

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disposition de droit nouveau vie,n dra influencer les décisions, les tes projets, les contrôles de l'Etat et restreindre la portée des individuels sur les ressources en eau, qu'ils aient la personnalité droJ ou morale, qu'il s'agisse d'individus ou d'entreprises, sur les phYSlurces en eau. Dans l'affaire Wallot, on sent déjà que la Loi de 2009 resso'eau commence a' pro d mre . ses e 1ets : sur l [25] Quoique postérieure à l'adoption du règlement en cause, il convient de mentionner à titre de législation d'importance en matière écologique la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection adoptée par le gouvernement du Québec le 18 juin 2009. Son premier article énonce que :

1. Étant d'intérêt vital, l'eau de surface et l'eau souterraine, dans leur état naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation québécoise. Ainsi que l'énonce l'article 913 du Code civil, leur usage est commun à tous et elles ne peuven t faire l'objet d'appropriation , sauf dans les conditions défi nies par cet article. [26] Cette loi précise aussi que la protection, la restauration, la mise en valeur et la gestion des resso urces en eau sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable. Elle oblige toute personne à prévenir ou, à défaut, à limiter l'atteinte qu'elle est susceptible de causer à cette richesse collective et l'invite à -prendre part à sa protection.

[27] Il est indéniable que les grands principes qui se dégagen t de ces législations doivent se refl éter dans la mise en œuvre des articles 4.4 et 19 de la Loi sur les compétences municipales. Il s'ensuit nécessairement que les po uvoirs de l'intimée nécessitent d'être appréciés à la lumière du corpus lég islatif québécois en matière environne mentale 3•

3.2 L'eau, chose commune Le concept de chose commune, en droit civil , n'a rien à voir avec celui de patrimoine commun dont on a parlé plus haut. Les choses c?mmunes représentent une catégorie de choses qui échappent aux d'accession ou d'occupation permettant, à certaines conditiOns, d'en devenir propriétaire. C'est par leur nat ure même que ces choses sont communes. ch Parmi ce qui compose l'environnement naturel, on retrouve des c oses en constant mouvement et d'autres fixes. Les premières sont les de l'environnement4 que sont l'eau et l'air, mais aussi la 3

c. Québec (Ville de) (20 juin 20 Il), Québec 200-09-007031-104 (C.A.), juges Doyon , et Gag non, 20 Il QCCA 1165. our le r orct· . s ms de cet ouvrage, le mot environnement » est pris dans un sens large et ret/natre, d'où l'allusion à la faune, et non pas dans le concept plus restreint que l'on ouve dans les lois environnementales.

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faune, incluant la faune aquatique. Le sol 5 et les plantes (hormis fruits ou leurs spores) sont fixes 6• Pour cette raison, ce sont des i bles par nature comme l'édicte l'article 900 C.c.Q. 900. Sont immeubles les fonds de terre. les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s'y trouvent et tout ce qui en fait partie intégrante. Le sont aussi les végétau x et les minéraux, tant qu'ils ne sont pas sépares ou extraits du fonds. Toutefois, les fruits et les autres produits du sol peuven1 être considérés comme des meubles dans les actes de disposition dont ils son1 l'objet.

Le sol et, partant, ce qui s'y rattache ont toujours un propri.;..... s'ils n'ont pas fait l'objet d'une affectation fiduciaire, tandis qu'en cipe, les autres composantes de la nature, dont les végétaux, celles déplacent ou peuvent se déplacer, n'ont pas de propriétaire tant q geste d'appropriation n'a pas été posé. À moins d'une preuve con c'est-à-dire un titre valable, le sol appartient à l'État en vertu du civil et il en est alors de même pour les plantes qui y po par exemple les arbres des forêts publiques. 918. Les parties du territoire qui ne sont pas la propriété de personnes physiques ou morales., ou qui ne sont pas transférées a un patrimoine lïduciaire, appartiennent a l'État et font partie de son domaine. Les titres originaires de l'État sur ces biens sont presumés. 936. Les immeubles sans maitre appartiennent

a l'État. 1...1

Si les composantes de la nature qui n'appartiennent à percnni restent communes tant qu'elles n'ont pas été l'objet d'un geste d priation, le Code civil traite différemment l'eau et l'air d'une part el animaux sauvages d'autre part. L'article premier de la Loi de 2009 l'eau établit clairement que l'article 913 C.c.Q. fait loi quant à la d'acquérir un droit de propriété sur les ressources en eau. Cet a reprend dans son premier alinéa l'ancien article 585 du Code civil Bas-Canada (« C.c.B.C. »). 585. Il est des choses qui n'appartiennent a personne et dont l'usage esl commun a tous. Des lois d'ordre public règlent la manière d'en jouir.

Cet article copiait presque textuellement l'article 714 du Code français (« C.cJ »). Nous verrons plus loin que ce code a influencé la doctrine québécoise relativement à la propriété des souterraines. 5

Il s'agit bien entendu du sol au sens de fonds de terre et non pas un sol en tant que qui aurait été extraite d'un terrain. 6 Les mouvements de sol sont évidemment possibles mais exceptionnels et nous verrons le Code civil tient compte de cette possibilité.

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?14. Il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est ..,un à tous. Des lois de police règlent la manière d'en jouir.

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Ces « choses qui n'appartiennent à personne » et visées par ces . les sont ce que les Romains appelaient «res communes », littéralearttct « choses communes ». Comme on peut le lire, ni l'article 585 ni J'article 714 C.c.f ne citent l'eau ou l'air, mais traditionnellela règle établie par ces deux articles a toujours été appliquée à des qui, par nature et en toute logique, ne pouvaient faire l'objet notamment par occupation, c'est-à-dire en prenant possession de la chose. L'eau et l'air sont indéniablement de cette nature. Les Romains, toutefois, faisaient une énumération expresse de ce qu'étaient pour eux les res communes. Ils incluaient dans cette classe la mer, les eaux courantes et l'air. Dans un ouvrage attribué à une commission commandée par l'empereur byzantin Justinien (VJc siècle), les Institutes, largement inspiré d'une compilation antérieure de Gaïus (IJle siècle), on retrouve l'article suivant au titre I du livre second : 5. Et quidem naturali jure omnium communia su nt il/a : aer, aqua profluens, et mare, et per hoc littora maris. [fRADUCfiONI-Sont communs à tous, d'après le droit naturel, l'air, l'eau courante, la mer et par suite ses rivages.

Tout en nous fournissant cette traduction dans ses Institutes de Justinien, traduites et expliquées, le professeur du Caurroy nous en faisait le commentaire suivant au XJXc siècle : 327. L'air, l'eau courante, la mer et ses rivages sont choses communes, en ce sens qu'il n'existe à leur égard aucune distinction de propriété; d'où qu'il suit que chacun peut en user librement, et, par l'usage qu'il en fait, s'approprier l'air qu'il respire, l'eau qu'il puise dans le courant. Pareillement chacun peut naviguer sur la mer, et la place qu'il occupe lui appartient tant qu'il l'occupe; les choses communes, n'appartenant à personne, sont acquises par occupaà quiconque les tient en puissance; mais elles rentrent, dès que l'occupalion cesse, dans leur condition primitive ou naturelle

Cette tradition romaine puis byzantine s'est maintenue tout au de l'évolution de notre droit civil. Ainsi, bien avant la naissance cu civil français dont est issu en grande partie le nôtre, le droit goutumier s'inscrivait en France dans la foulée du droit romain. Le /and juriste du XVIIe siècle qu'était Jean Domat, reprenait ainsi le oncept de chose commune, dans ses Lois civiles : Les Cieux, les astres, la lumière, l'air, & la mer, sont des biens tellement à toute la société des hommes, qu'aucun ne peut s'en rendre le ny en priver les autres. Et aussi la nature, & la situation de toutes ces c oses est toute proportionnée à cet usage commun pour tous.

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Comme le faisaient les Romains, Domal mentionnait express,>n•• les choses considérées communes. En toute logique, les choses é rées dans cet énoncé ne pouvant être individualisées, étant des sem bles sans limites précises ou en perpétuel mouvement , ou da cas des ast res, physiquement impossibles d'occupation à l'époque, ne po uvaient d'une part êt re détenues par quiconque et, d'autre pan, devaient d'être à l'usage de to us. L'eau faisait traditionnellement lie de cette grande famille de res communes. La qualification de chose commune donnée à l'eau a eu un pervers. L'eau souffre aujourd'hui de ce statut. L'universalité du d'usage de l'eau l'a rendue vulnérable. Il y a en effet, dans le concept chose commune, une dimension d'abondance. Si elle est à l'usage tous, c'est qu'il y en a pour tous. Elle est en apparence inépuisable. cycle de l'eau, elle semblait se renouveler et les eaux souillées sem ent remplacées d'elles-mêmes par de l'eau fraîche. Aujourd'hui , les ceptions sont tout autres. On se rend compte que sa qualité peut altérée de manière presque irrémédiable. Sa disponibilité peut aussi sérieusement compromise. On voit aussi que sa répart ition sur la nète est très inégale et expose bien des peuples au rationnement.

En droit québécois, cependant , on peut se demander si le alinéa de l'article 913 C.c.Q. ne ferait pas passer l'eau et l'air dans autre catégorie, celle des biens sa ns maître, parce que susceptible propriation et, de là, de commercialisation .

3.3 L'eau, bien sans maitre? Les Romains distinguaient deux grandes classes de choses celles qui n'appartenaient à personne (hormis les choses divines sacrées). Des res communes, ils distinguaient les res nullius, c'est-,\o-ttll des choses qui, bien que n'appartenant à personne, peuvent néan devenir la propriété de la personne qui les « occupe », c'est-à-dire prend possession . Du Caurroy les considérait tout de même com me choses communes, mais d'une nature particulière : 333. Nous avons parlé de choses communes entre tous les hommes, don t chacun a !"usage et peut même acquérir la propriété par occupation. tan t qu'elles n'appartien nent encore à personne. Sous ce rapport, les choses corn· munes se nom ment twllius 1.. .1.

Dans notre Code civil , elles sont devenues ce qu'on appelle « biens sans maître ». Cette désignation , plutô t que celle de «choses maître » n'est pas anodine. L'utilisation du mot « bien » est liée à caractéristique particulière que n'ont pas, en principe, les choses munes. On peut en devenir propriétaire. Contrairement au res

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s les res nullius ne sont que provisoirement sans propriétaire. On en conséquence leur attribuer une propriété en commun, une ne Priété détenue par tous, collectivement, comme on peut être porté à pour les com_munes. Ce sont les articles_ et 935 C.c.Q. le . tes décrivent et determment leur mode d'appropnatton. qui 934 (1er alinéa). Sont sans maître les biens qui n'ont pas de propriétaire, tels les ani maux sauvages en liberté, ceux qui, capturés, ont recouvré leur liberté, la fa une aquatique, ainsi que les biens qui ont été abandonnés par leur propriétaire. 935 (1 er alinéa). Les meubles sans maître appartiennent à la personne qui se les approprie par occupation.

3.3.1 L'eau et la faune : des statuts juridiques apparentés, mais différents On a ainsi cette étonnante dichotomie où l'eau douce et la mer sont, de leur côté, considérées comme des choses communes non susceptibles d'appropriation , tandis que les poissons qui y vivent peuvent, eux, devenir la propriété de la personne q ui les pêche. De là découle un parallèle que le second alinéa de l'article 913 C.c.Q. nous invite à faire. 913 (2" alinéa). L'air et l'eau qui ne sont pas desti nés à l'utilité publique sont toutefois susceptibles d'appropriation s'ils sont recuei llis et mis en récipient.

Ce deuxième alinéa de l'ar ticle 9 13 C.c.Q. n'apparaissait pas dans l'ancien article 585 C.c.B.C., son ancêtre. Il se trouve à appliquer à l'eau et à l'air la même règle d'appropriation par occupation que ce que l'article 935 prévoit pour les biens sans maître. On peut s'approprier les animaux sauvages ou les poissons par occupation , c'est-à-dire en les capturant. On peut s'approprier l'eau en la recueillant en récipient. L'analogie est frappante. Les différences ne sont pas dans le mode d'appropriation, mais dans les caractéristiques inhérentes respectives de choses. L'ubiquité de l'eau et l'impossibilité de distinguer un volume d eau donné d'un autre auquel il se mêle la distin guent des animaux. pas la même individualité qu'un animal. On serait tenté d'ajoua ces différences qu'animaux et poissons sont consomptibles, c'est-àdétruits à l'usage, mais cette différence n'est qu'apparente. L'eau et rair le sont également, du moins en partie, lorsque leurs molécules cespectives sont intégrées aux tissus biologiques de l'humain qui les ou aux matières qu'il fabrique par son industrie. À l'inverse, nnnal capturé peut ne pas être consommé. cl Néanmoins, il est difficile de concilier ce deuxième alinéa de l'artie 913 avec le premier alinéa du même article, le concept de chose

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susceptible d'appropriation et celui de chose commune étant en tion . Avec le deuxième alinéa de l'article 913 C.c.Q., le législateur loigne donc du concept traditionnel de chose commune appli l'eau et à l'air. Pourtant , comme o n l'a vu avec la Loi de 2009 sur tout en réitérant que l'eau et l'air sont susceptibles d'appropriation manière prévue par l'article 91 3 C.c.Q., le législateur déclare que fait partie du patrimoine commun de la nation qué bécoise. De commune selon l'ancien article 535 C.c.B.C., l'eau est devenue en 1 un hybride des res communes et des res nullius par l'entrée en · nouveau Code civil. Avec la Loi de 2009 sur l'eau, elle passe main au rang de patrimoine commun de la nation. Voilà qui jettera ment de la confusion autour du statut juridique de l'eau à l'aube grands débats à venir sur sa commercialisation et son exportation.

3.3.2 L'utilité publique Le deuxième alinéa de l'article 913 C.c.Q. fiXe toutefois une r au droit d'une personne de s'approprier l'eau. L'eau ne doit pas réservée à l'utilité publique. Il ne s'agirait pas ici d'une priorité La limite touche le droit de propriété sur l'eau alors que l'usage rattaché au caractère commun de l'eau. Rien n'indique que publique ait préséance sur le droit d'usage que détient tout individu l'eau. Ce serait plutôt le contraire, comme le prescrit l'article 2 de la de 2009, ld)ans les conditions et les limites définies par la loi, personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le d'accéder à l'eau potable ». La réserve d'utilité publique au deu alinéa de l'article 913 C.c.Q. s'oppose à l'appropriation de l'eau, son usage. L'usage de l'eau resterait donc un droit universel. Il peut individuel ou d'utilité publique et il n'y a pas à première vue de chie entre ces usages. Ce qui doit céder la place à l'utilité publique, le geste de s'approprier l'eau , non celui d'en user. On pourrait en clure que de s'approprier ainsi une partie du patrimoine commun nation conditionnellement à ce qu'elle ne soit pas réservée à publique, c'est peut-être acquérir un bien que l'on pourra plus a· nous enlever par la suite. L'utilité publique peut justifier une tion selon l'article 952 C.c.Q. 952. Le proprieta ire ne pe ut être contrai nt de ceder sa propriete. si cc n'est par vo ie d"cxpropriat io n fa ite sui\ a nt la loi po ur une c-J usc d"utilitc! publique et moyen na nt une juste et prea lable indemn ite.

Avec l'article 913 C.c.Q. qui invoque J'utilité publique pour rest dre le droit d'appropriation de l'eau, avec en fi ligrane une que les ressources en eau font partie de notre patrimoi ne commun, a peut-être le creuset d'une redéfinition de la portée des lois

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r

sur )es usages de l'eau . II ne s'agit donc pas tant d'une remise en du caractère commun de l'eau ni du droit de se l'approprier ré ce caractère, mais plutôt d'une hiérarch isation entre le droit JT!a commun à tous et le droit de propriété attribué à la personne d ose un geste d'occupation. Il est toutefois des eaux qui échappent à cette Ce seraient les eaux souterraines, selon une certaine doctnne. pub

3.4 L'eau souterraine, d'ordre privé? Le droit de propriété sur l'eau souterraine reste matière à débat, mais la Loi de 2009 sur l'eau vient peut-être d'y mettre un terme. Selon une école de pensée, l'eau souterraine, contrairement à l'eau de surface, appartiendrait par accession au propriétaire du sol en vert u de t'article 948 C.c.Q. (l'accession est cette extension du droi t de propriété sur un bien à tout ce qui s'y rattache, comme les arbres sur un fond s de terre ou une île dans le lit d'un cours d'eau). 948. La propriété d'un bien donne droit à ce qu'il produit et à ce qui s'y unit , de façon naturelle ou artificielle, dès l'union. Ce droi t se nomme droit d'accession .

Une telle perception du droit de propriété pouvant s'exercer sur l'eau souterraine a pour conséquence d'en faire un bien comparable à une substance minérale (concept qui, soit dit en passant, ne comprend pas l'eau dans la Loi sur les mines, L.R.Q., c. M-13.1). Lors audiences tenues en 2000 par la Commission sur la gestion de l'eau au Québec du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement , la position prise par le gouvernement du Québec dans son document de consultation , La gestion de l'eau au Québec, s'appuyait sur cette école de pensée. [E]n vertu du Code civil du Québec, l'eau so uterraine est un bien de propriété privée relié à la propriété immobilière. Tout propriétaire d'un puits peut utiliser les eaux souterraines et en disposer comme bon lui semble sous réserve des limites posées par la loi et le droit com mun.

3.4.1 Une tendance qui se démarque : l'eau souterraine serait res communes e N?tons que la doctrine qui s'est construite autour de cette n otion s'st maJoritairement antér ieure à la réforme du Code civil de 19947• Elle appuyait donc sur le C.c.B.C. et son héritage coutumier. Elle a vraisemJD

48a;s Lambton (Municipalité de) c. Staniscia (Il décembre 2006), Mégantic co l7-ü00021-061 (C.S.), juge Martin Bureau, 2006 QCCS 5484, le tribunal commente ces urants doctrinaux.

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LA GESTION DE L'EAU

CHAPITRE 3 - LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

blablement été influencée par les divers commentateurs de 1 code et, de là, par la doctrine et la jurisprudence françaises et interprétation des dispositions correspondantes du C.cJ Mais de différences peuvent avoir mené les deux régimes sur des voies gentes, nous le rappelle Me Cantin Cumyn , dans l'ouvrage Vers gouvernance de l'eau au : !Aiu début du X IXe siècle, le plus haut tribunal civil de France a donné son aval à l'opinion voulant que le droit d'usage de la source donne la propriété de l'eau au propriétaire du sol où jaillit la source. La propriété a ensuite été étendue aux eaux souterraines notamment.

Le droit français laisse en effet entendre, à l'article 642 qu'une source sur un fonds appartient bel et bien au propriétaire fonds. 642 (l" et 2• alinéas). Celui qui a une source dans son fonds peua toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage. Le propriétaire d'une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé. sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété. (soulignements ajoutés)

Cependant, contrairement au C.cJ, aucune disposition d u n'associe une source à un propriétaire. D'abord, l'article 980 n'attribue au propriétaire d'un fonds rien d'autre que le droi t d'une source. Il en est de même des lacs et étangs entièrement sur fonds. L'eau qui jaillit de terre obéit donc au même régime · · que l'eau de surface quant au droit d'en user el d'en disposer. principe de l'accession n'est pas appliqué à l'eau de surface dans les et les étangs, qui reste chose commune, pourquoi en serait-il aut de l'eau souterraine alors que le droit d'usage d'une source est par le même article du C.c.Q., l'article 980? 980. Le propriétaire qui a une source dans son fonds peut en user et en disposer. Il peut, pour ses besoins, user de l'eau des lacs et étangs qui sont entièrement sur son fonds, mais en ayant soin d'en conserver la qualité.

L'article 982 rapproche encore davantage l'eau de surface et souterraine : « Le regime juridique de reau. chose commune •. dans Vers une go111·emance de 1 Québec sous la dir. de C. Choque ne et A. Utourneau. Quebec. Éditions MuhiMondes. 67-78.

105

9sz. À moins que cela ne soit contraire à l'intérêt général, celui qui a à l'usage d'une source, d'un lac, d'une nappe d'eau ou d'une rivière ou d'une eau courante, peut, de façon à éviter la pollution ou

1

isement de l'eau, exiger la destruction ou la modification de tout ouvrage 1epu . . , . pollue ou epmse 1eau . qUI

Dans cet article, on ne fait aucune distinction entre une source, nappe d'eau ou une « rivière souterraine » d'une part et un lac ou une eau courante d'autre part9• D'autres dispositions du C.c.Q. relatives une usages de l'eau apparaissent difficilement compatibles avec une de l'eau souterraine par simple accession par le propriédu fonds. Par exemple, la limitation qu'apporte l'article 951 au de propriété sur le sous-sol affirme à nouveau le caractère de chose commune de la ressource eau :

::oit

951. La propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous.

Le propriétaire peut faire, au-dessus et au-dessous, toutes les constructions, ouvrages et plantations qu'il juge à propos; il est tenu de respecter, entre autres, les droits publics sur les mines, sur les nappes d'eau et sur les rivières souterraines. (soulignements ajoutés)

Le Code civil reconnaît donc l'existence de droits publics sur ce qui est souterrain, sans égard à la propriété du sol, de la même manière que les eaux de surface font l'objet de droits publics. Le droit de naviguer sur . l'eau, de faire usage d'un cours d'eau, sans égard à la propriété du lit du cours d'eau ou du plan d'eau, est de cette nature. Le droit à l'eau souterraine serait alors un droit public, un droit que tous peuvent exercer, sous réserve bien sûr d'avoir le droit d'accéder au terrain où l'on peut puiser l'eau souterraine. Les droits publics liés à l'eau sont abordés aux chapitres 7 et 8. .. Un droit de propriété sur l'eau souterraine qui serait lié à la produ fonds de terrain est également incompatible avec la nature me'?e de l'eau, qui reste rarement immobile. L'eau souterraine n'est pas un tmmeuble. Elle en est plutôt exactement le contraire. Hormis le cas d'une nappe captive qui serait entièrement située à l'intédes limites d'un même héritage, elle n'a pas de limites précises qui Permettraient de circonscrire et d'individualiser l'eau qui appartiendrait _accession au propriétaire du fonds de terre. De pl us, elle se déplace rainzontalement selon un gradient hydraulique. Les nappes souterrechargent par l'eau des précipitations et elles font ensuite La décisi

u

.

Martin montzgny c. Jeannotte (23 septembre 2008), Hull 550-17-001933-058 (C.S.), juge sur 1 2008 QCCS 4326, porte sur une réclamation en dommages-intérêts fondée ruissa Pretention que la construction d'un barrage était la cause de l'assèchement d'un eau, source d'alimentation en eau; le recours a été rejeté faute de preuve.

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résurgence à l'interface entre une couche de sol impem1éable s'agisse de sol meuble ou de roc) et la couche pem1éable où s'écoulent. Dans de telles conditions, il devient pratiquement i ble de départager l'eau qui appartient à un propriétaire foncier de qui appartient au propriétaire du fonds voisin. De plus, le propriétaire de l'eau souterraine serait un propriétaire bien · n'ayant aucun moyen de retenir cette eau à l'intérieur de son h pour ne pas qu'elle lui file entre les doigts vers un fonds situé en hydraulique du sien. La Loi de 2009 sur l'eau mettra peut-être fin à ce débat. Elle en effet entendre qu'on ne peut devenir propriétaire de l'eau par simple accession, c'est-à-dire simplement en détenant la du fonds de terre. Il est utile de citer à nouveau son article nrPrni ..... 1. Étant d'interet vital , l'eau de surface et l'eau souterraine. dans leur etat naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation quebecoise. Ainsi que l'enonce l'article 913 du Code civil, leur usage est commun à tous et elles ne peuvent faire l'objet d'appropriation. sauf dans les conditions definies par cet article. (soulignements ajoutes)

Le deuxième alinéa de cet article vise manifestement les c sources » mentionnées au premier alinéa, à savoir« l'eau de sur l'eau souterraine ». C'est donc aussi bien de l'eau de surface et de souterraine dont il est question lorsque le deuxième alinéa affim1e « leur usage est commun à tous » et que ces ressources « ne peuvent l'objet d'appropriation, sauf dans les conditions définies par cel de ». L'article premier de la Loi de 2009 sur l'eau, s'il est de déclaratoire, démontre clairement que, quant au mode d l'eau de surface et l'eau souterraine obéissent aux mêmes règles. seule différence réside dans l'accès à ces eaux. L'usage de l'eau surface suppose de pouvoir accéder aux rives du cours d'eau 10• De on y navigue, on peut en faire usage où qu'elle soit en traversant l'eau d'autres fonds de terre sans y mettre pied. L'usage de l'eau 10

De nombreuses decisions jurisprudentielles fondees sur racees a des plans ou cours ont ete rendues; Morin c. ,Ir/orin. 119981 RJ.Q. 23 (C.A.) en est une illustration. La conclu que l'article 920 C.c.Q. reconnaît un droit de circulation sur les eaux qui notamment les usages récréatifs. La Cour précise que le droit d'acces a des plans ne comprendrait pas la possibilité d'usages sportifs ou récréatifs. resterait un droit sans signification. D'autres décisions plus récentes et portant sur des servitudes elles ont reconnu de larges droits d'acces: Jeanneau Bienrenu H mars 2010). 460·17-û00837-Q70 (C.S.). juge François Tôth. 2010 QCCS 747 ou d'autres plus Base de plein air des Owaouais inc. (Base de plein air Air-eau-bois ù1cJ c. Laplatlle (20 2009). Hull 55G-17-QO 1151-Q32 (C.S.). juge Martin Bédard. 2009 QCCS 2175.

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. suppose par contre un accès à un des fonds de terre dans lequel ramee trouve. Une fois la nappe d'eau atteinte par un ouvrage de elle s e il importe peu que l'eau qu'on puise provienne du fonds de sous réserve de ne pas nuire à l'usage que d'autres peuvent un aspect que nous examinons au chapitre 4 11 •

3.5 La propriété des cours d'eau Le droit de propriété que l'on peut acquérir sur un cours d'eau et elui que l'on peut sur l'eau qui y coule obéissent à des règles à fait différentes. Etre propriétaire d'un cours d'eau, c'est être propriétaire de son lit, mais non de l'eau qui s'y trouve. Il en résulte que même l'État ne peut être propriétaire de l'eau des cours d'eau publics, même si leur lit lui appartient. Cela découle de ce que le lit d'un cours d'eau est immeuble alors que l'eau est une chose commune. Le lit un fonds de terre et, en principe, tout immeuble a un propriétaire, l'Etat étant Je propriétaire par défaut des immeubles comme on l'a vu plus haut. Comme à l'origine tout le domaine québécois appartenait au Souverain, il revient au propriétaire riverain qui revendique un droit de propriété sur un cours d'eau d'établir son titre 12 • Vu que l'eau n'est susceptible d'appropriation que si elle est recueillie et mise en récipient, deux choses distinctes se superposent dans · un cours d'eau ou dans un lac, l'une solide et l'autre liquide, sujettes à des règles d'appropriation tout à fait différentes et, surtout, indépendantes l'une de l'autre. La situation des eaux de surface diffère quelque peu de celle des eaux souterraines car ces dernières infiltrent Je sol et ne peuvent pas être délimitées aussi clairement que l'eau de surface, en particulier celle d'un étang, dont le volume est fini, se circonscrit et se mesure. Cette différence entre l'eau de surface et l'eau souterraine a 1

Dans Spieser c. Québec (Procureur généraO (21 juin 20 12), Québec 200·06-000038-037 (C.S.), JUge Bernard Godbout, 2012 QCCS 2801 , une requête en recours collectif, le tribunal a accordé des dommages sur la base des troubles de voisinage à des propriétaires dont le 12 PUlls avait été contaminé. phare en la matiére est certes le jugement Va nier c. Québec (Procureur généraO, 1 RJ.Q. 993, [1 994] R.D.I. 312 (C.S.), juge Archambault, où le tribunal énonce une de principes juridiques devant guider la démonstration d'un titre sur le lit d'un cours Cea,u; dans Béla nd c. Masson (16 juin 2008), Trois-Rivières 400-17-000515-037 (C.S.), juge s ar _Lachance, 2008 QCCS 2780, par l'interprétation de l'origine d'une concession quant à son et_endue le tribunal déclare les demandeurs propriétaires de deux îles même si elles 0 p 3t Situées dans le fleuve Saint-Laurent, un cours d'eau navigable et flottable; voir aussi r) · du Québec c. Auger (18 juillet 1995), Montréal 500-09-000558-890 (C.A.), juges Otis, p0eschamps et Rothman, J.E. 95-1443 (concession à la ligne des basses eaux) et Société du 1 a' Québec c. Lortie-Côté [1991] RJ.Q. 25 (C.A.) (partie du domaine public concédée ux Jesuites).

.

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CHAPITRE 3 -LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

sans doute contribué au débat que nous avons relaté plus haut du droit de propriété sur les eaux souterraines.

3.5.1 La ligne des hautes eoux Il est important de bien saisir le concept de lit d'un cours d'eau une terre bordant un cours d'eau non concédé est délimitée par son Sauf si le contexte s'y oppose, chaque fois que nous utiliserons dans pages les mots « cours d'eau », cela comprendra aussi un lac, ta qu'une référence à la propriété du cours d'eau sera implicitement référence à celle de son lit. Le lit d'un cours d'eau est la surface verte par les eaux jusqu'à la « ligne des hautes eaux », c'est-à-dire le haut niveau atteint par les eaux sans débordement ni inondation. s'agit d'une eau sujette à marée, la ligne de démarcation sera celle plus hautes marées ordinaires. La Politique de protection des ri\•es, liu oral et des plaines inondables du Gouvernement du Québec ( R.R c. Q-2, r. 35) fait elle aussi référence à une« ligne des hautes eaux», qu'elle définit par des critères qui lui sont propres, des critères bma.1 niques avant tout 13 • Ces lignes peuvent parfois coïncider sur le rain, mais reposent néanmoins sur des assises distinctes. Il sera quest au chapitre 8 de cette politique qui incorpore aussi un concept de qu'il ne faut pas confondre avec la« rive» en matière foncière. Dans dernier cas, elle est parfois aussi appelée grève et elle correspond à cet partie du lit située entre la ligne des hautes eaux et la « ligne des ba eaux » dans les cours d'eau sans marée. Cette rive est la surface d u couverte ou découverte entre la crue et l'étiage, mais sans déborde Il faut donc aussi la distinguer de la portion proprement terrestre de rive au sens commun du terme. Ainsi, dans l'affaire presque cente Leblond c. Morency 1\ on a utilisé l'expression « rive interne » désigner la partie de la rive d'une rivière navigable faisant partie in grante du cours d'eau et par conséquent rattachée au domaine tandis que l'expression « rive externe » visait la portion de terrain s'étendant au-delà de la ligne des hautes eaux et appartenant aux propriétaires du fonds riverain. 13

La decision Séguiu c. Lauoraie (.\/uuicipalité de) ( 1cr fevrier 20081. Jolie llC 705-17-()()200-H)73 (CS.l. juge Paul G. Chaput. 2008 QCCS 3643 porte sur la a làire entre la ligne des hautes eaux de rarticle 919 Cc.Q. et celle de la Politique de protectiou des ril'es fixee par la methode botanique ou a defaut par la recurrence d(S inondations de 1 ans. Une ordonnance d.: demolition a eté r.:ndu.: en raison de c..:UC erreur. La decision Ste-Croix r..Iuuicipalité de) c. Québec (Prcx:ureur géuéralJ Cl1 mai 20011). Quebec 20Q-17-()()7992-Q76 (CS.). juge Carl Lachanœ. 200li QCCS 2366 egalenu:nl dlnterët. (1919) 56 CS. 71.

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Le concept foncier de rive a son utilité dans l'interprétation des titres riverains dont la concession d'origine est antérieure au nouveau code civil. Le mot « rive » apparaissait à l'article 400 C.c.B.C. 400. Les chemins et routes à la charge de l'état, les fleuves et rivières navigables et flottables et leurs rives, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres et les rades et généralement toutes les portions de territoire qui ne tombent pas dans le domaine privé, sont considérées comme des dépendances du domaine public.

Puisque cet article est antérieur à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.-U.), la loi britannique de 1867 à l'origine de la Confédération canadienne), les ports, havres et rades y sont mentionnés. En 1866, lors de l'entrée en vigueur du Code civil du Bas-Canada, ils appartenaient à l'État d'alors, c'est-à-dire au Bas-Canada. Comme nous le verrons plus loin, ces propriétés ont été transférées à l'État fédéral avec la création du Dominion du Canada, vu que la compétence sur la navigation a été dévolue au Parlement, c'est-à-dire à la législature fédérale. Le nouveau Code civil tient compte de ce changement dans les compétences législatives et ne fait plus allusion aux ports, havres et rades. Bien qu'il reprenne en la modernisant la règle de l'ancien article

400 C.c.B.C. à propos de la propriété des cours d'eau et qu'il confirme implicitement l'interprétation que les tribunaux ont faite du concept de rive, le Code civil du Québec ne fait pas référence à la rive pour délimiter les cours d'eau. L'article 919 C.c.Q. se fonde uniquement sur le concept de lit du cours d'eau, dont il fixe toutefois la limite à la ligne des hautes eaux conformément à l'interprétation jurisprudentielle antérieure. Ce changement de terminologie ne vient donc pas modifier la règle de base ni les limites des concessions existantes. 919 (1•• alinéa). Le lit des lacs et des cours d'eau navigables et flottables est , jusqu'à la ligne des hautes eaux, la propriété de l'État.

En marge de ces règles générales, la limite de propriété entre le domaine public et le domaine privé a été établie par la loi pour certains cours d'eau, notamment afin de résoudre des difficultés reliées à des remblais historiques. C'est le cas de la ligne des hautes eaux de la Côtede-Beaupré, fixée par la Loi portant délimitation de la ligne des hautes

du fleuve Saint-Laurent sur le territoire de la Municipalité régionale comté de La Côte-de-Beaupré (L.Q. 1999, c. 84). C'est le cas aussi du avec la Loi concernant la du domaine hydrique de ;etat et la protection des milieux humzdes le long d'une partie de la rivière chelieu (L.Q. 2009, c. 31).

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3.5.1.1 La mouvance des cours d'eau La délimitation d'un cours d'eau aux fins de départager la propP.;."' publique de la propriété privée relève des arpenteurs-géomètres, vertu de la Loi sur les arpellleurs-géomètres (L.R.Q., c. A-23) 15• En cipe, pour tracer cette limite, l'arpenteur-géomètre doit tenir compte l'emplacement de la lig ne des hautes eaux à l'époque de la premi concession , c'est-à-dire lorsque la propriété riveraine est passée d u maine public au domaine privé. Puisqu'elle déli mite la propriété cours d'eau , la localisation de la ligne des hautes eaux devrait · ment être immuable, mais les cours d'eau ont une mouvance natu qui entraîne des modifications à leur lit au fil des ans, souvent im ceptiblement, parfois subitement par l'érosion et les glissements terrain. Des îles peuvent aussi apparaître dans leur lit. Repérer les mites d'origine d'un cours d'eau pourrait donc dans ces circonstan(;a poser un réel problème, mais le Code civil y pourvoit. C'est ainsi des portions de cours d'eau peuvent changer de propriétaire par « sion naturelle ». Par exemple, selon l'article 968 C.c.Q., « !Iles iles qui forment dans le lit d'un cours d'eau appartiennent au propriétaire lit ». Les « alluvions », définies par l'article 965 C.c.Q. comme « atterrissements et les accroissements qui se forment successivement imperceptiblement aux fonds riverains d'un cours d'eau », profitent propriétaire riverain où ils se forment en vertu de l'article 966 sous réserve des règles fixant la limite du domaine public à la ligne hautes eaux 16• 966. Les relais que forme reau coura nte qui se retire insensiblement de rune des rives en se portant sur rautre profitent au proprietai re de la rive decouve rte, sans que le propriétaire ri vera in du côté oppose ne puisse rien recla mer pour le terrain perdu. Ce dro it n'a pas lieu à !"égard des relais de la mer qui font pa rtie du domaine de J"Etat.

Par contre, un mouvement brusque de sol emportant une lie substantielle d'un terrain n'obéira pas au x mêmes règles. C'est cie 967 C.c.Q. qui s'appliquerait dans ce cas. 967. Si un cours d'eau enleve, par une force subite, une partie considemble e t reconnaissable d'un fo nds rivera in et la porte vers un fo nds infé rieur ou sur la rive opposee, le propriéta ire de la pa rt ie enlevée peut la recla mer. 15

La decision Clal'eau c. Cowure (18 avril 2009). Megant ic -t8Q-17-{)()()()19-{)73 (CS.). · Martin Bureau, 2009 QCCS 1747 est a cet effet. 16 Dans Lethiec:q L: Québec: (Procureur généra[) (7 mai 2008). Trois-Rivières 4()().17-{)() 1082-{1>_.1 (CSJ. juge Jea n Bouchard . 2008 QCCS 1008. une reclamation d'une partie de lot c. R-26) a ete rejetée priee en vertu de l'ancien ne Loi sur les réserres écologiques l'absence d'a lluvions contemporaines au sens de l'article 965 C.c.Q.

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li est tenu , à peine de déchéa nce, de le faire dans J'a nnée à compter de la prise de possession par le propriétaire du fonds auquel la partie a été réunie.

De la même manière, au lieu de se former à même le lit d'un cours d'eau, si une île est créée par un bras nouveau d'un cours d'eau venu couper la terre ferme, elle continuera d'appartenir au propriétaire du fonds dont elle faisait antérieurement partie. Dans ce cas toutefois, contrairement à ce qu'exige le second alinéa de l'article 967 C.c.Q., le propriétaire n'a pas à la réclamer. Elle lui appartient de plein droit. 969. Si un cours d'eau, en forma nt un bras nouveau, coupe un fonds riverai n et en fait une île, le propriétai re du fonds riverain conserve la propriété de l'île ainsi form ée.

Si, toutefois, le bras ainsi formé devient le nouveau lit d'un cours d'eau qui aurait par le fait même abandonné son lit antérieur, l'effet de la loi est différent, mais à nouveau sans que le propriétaire n'ait à réclamer ce qui lui revient de droit. 970. Si un cours d'eau abandonne son lit pour s'en former un nouveau , l'ancien est attribué aux propriétaires des fo nds nouvellement occupés, dans la proportion du terrain qui leur a été enlevé.

3.5.1 .2 La navigabilité Même si le Parlement et le gouvernement du Canada ont une compétence constitutionnelle exclusive en matière de navigation , cette compétence n'est pas un titre de propriété sur les cours d'eau nav igables. Pourtant, la navigabilité d'un cours d'eau est un important facteur à considérer pour déterminer qui de l'État, à savoir la Prov ince, ou du propriétaire riverain est propriétaire du cours d'eau. C'est toutefoi s un concept différent, du moins dans son application sur le terrain , de celui don nant compétence au Parlement sur un cours d'eau. Nous y revenons au chapi tre 7.

3.5.1.2. 1 Évolution historique du droit de propriété en bordure des cours d'eau C'est jusqu'au 9 février 19 18 que la nav igabilité et la flottabilité ont servi à départager la propriété d'un fonds de terre riverain de celle du d'eau au moment de la concession 17 , ainsi que le rappelle l'article 19 C.c.Q. dont nous avons vu le premier alinéa plus haut.

17.-----------------------------------------------------Par exemple, sur la portée de la concession royale de 1733 du Lac des Deux-Montag nes et le rejet d'u ne demande en jugement déclaratoire, voir Club de la baie du lac des DeuxMontagnes c. Québec (Procureur généraD (17 mars 2003), Montréal 500-05-01 9903-911 J.E. 2003-781, juge JJ. Croteau , conf. 24 octobre 2006, 500-09-0 13325-030 (C.A.), Juges Mailhot, Baudouin et Morissette, 2006 QCCA 1358.

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919. Le lit des lacs et des cours d'eau navigables et flouables est,jusqu"â la ligne des hautes eaux, la proprieté de l'État.

Il en est de même du lit des lacs et cours d'eau non navigables ni flo u ables bordant les terrains a liénes par l'État après le 9 février 1918; avant celte date, la propriété du fonds riverain emportait, dès J'aliénation, la propriété du lit des cours d'ea u non navigables ni flouables. Dans tous les cas, la loi ou l'acte de concession peuvent disposer autrement.

Le 9 février 1918, l'alinéa suivant avait été ajouté à l'ancien a rt · 400 C.c.B.C. dont nous avons cité la version originale plus haut : Il en est de même de tous les lacs et des ri vieres et cours d'eau non navigables et flottables el leurs rives bordant les terrains alié nes par l'état apres le 9 fevrier 191 8.

Bien que comparables, cet alinéa et le deuxième alinéa de l'art" 919 C.c.Q. comportent deux différences importantes. D'abord, o n marque que le concept de rive » a été écarté en faveur du concept lit » du cours d'eau, un point que nous avons souligné plus Ensuite, dans l'article actuel, le législateur se donne la peine de ce qu'était l'effet du régime de propriété avant le 9 février 1918, règle qui semble contredire ce que nous mentionnons plus loin relati ment à la réserve des trois chaînes ». Mais le dernier alinéa de l'art 919 précise bien que ldlans tous les cas, la loi ou l'acte de con peuvent disposer autrement ». Cet alinéa devrait suffire à aplanir conflit de loi. Sous le régime seigneurial, les concepts de navigabilité et de bilité étaient interprétés selon les anciennes ordonnances françaises régissaient les droits concédés aux seigneurs sur les cours d'eau. moins d'une concession expresse de ceux-ci par le souverain, un d'eau navigable faisaient partie du domaine public. À l'inverse, un d'eau non navigable passait aux propriétaires riverains « usque ad diwnfilum aquae », c'est-à-dire jusqu'au milieu du fil de l'eau. Bo dans son Traité du domaine 1g, nous livre les titres seigneuriaux d'orig qui permettent de vérifier, pour les terres faisant partie de ces ancien seigneuries, si les cours d'eau navigables ont ou non été concédés l'époque.

À partir du 9 février 1918, avec l'entrée en vigueur de la rn Lion à l'article 400 C.c.B.C. dont nous avons fait état, le rég ime vou que le cours d'eau non navigable soit concédé avec la concession fond s riverain a pris fin . Pour les concessions faites à partir de cet date, le régime de propriété des cours d'eau est devenu uniforme, lM

J. BOUFFARD, Traité du domaine, Québec, P.U.L 1977. 172 p.

LA GESTION DE L'EAU

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, ard à la navigabilité. Il fallait désormais une mention expresse dans le pour qu'une concession inclue le cours d'eau. L'actuel article 919 tl . . t ce t te re' gl e. c.c.Q. mamtten

3.5.1.2.2 L'étendue du droit de propriété en bordure des cours d'eau Le recours à la navigabilité et la flottabilité des cours d'eau reste nécessaire pour déterminer l'étendue du droit de propriété en bordure de ceux-ci lorsque la concession d'origine est antérieure au 9 février !918. Navigabilité et flottabilité sont des questions de fait, reliées à J'usage qui était ou pouvait alors être fait d'un cours d'eau. Pour déterminer la navigabilité, on utilise les critères de la navigation commerciale. Depuis l'arrêt Bell vs. City of Quebec du Conseil privé 19, il est de jurisprudence constante que le cours d'eau doive servir d'une manière pratique et profi table à des fi ns de navigation commerciale. Pour ce qui est de la flottabilité, le fl ottage dit « à bûches perdues » n'est pas pris en compte 20• Les cours d'eau sont classés navigables et flottables si, en se plaçant à l'époque de la concession orig inaire, leur caractère général satisfait aux critères établis par les tribunau x. Cependant, devant la difficulté de reconstituer une preuve historique pouvant remonter à plusieurs décennies, voire même quelques siècles, les tribunaux ont, dans certains cas, analysé avec plus de souplesse la navigabilité et la flottabilité, allant jusqu'à les présumer en regard non seulement des usages faits sur les cours d'eau à l'époque de la concession , mais aussi de ceux exercés par la suite. Le tribunal saisi d'une question relative à la propriété examinera l'ensemble du cours d'eau. Celui-ci pourra être considéré navigable malgré le fait qu'en certains endroits de son cours, la navigation soit impossible ou difficile à pratiquer. Lorsqu'il est question de déterminer la portée d'un droit de propriété dans des eaux nav igables, six principes interviennent. La Cour supérieure les a rappelés dans une affaire concernant la partie sudde l'Ûe des Sœurs, dans l'actuel arrondissement de Verdun de la bille de Montréal. C'est l'affaire Vanier c. Québec (Procureur généraD 21 • cette cause, un promoteur revendiquait la propriété d'un vaste terram non développé de l'île et s'était adressé à la cour pour faire reconnaître son droit. Mal lui en prit car le Procureur général a décidé 19

!879-80, 5 A.C. 84. iur une question d'indemnité par la province pour la récupération de bûches dans l'affaire J arly Recovered Resources c. British Columbia (18 juillet 2005), 2005 CF 995, T-588-00, juge trnes Russell , la cour a conclu que la récupération de bûches faite à l'aide d'un navire ne 21tt Pas partie de la navigation. Upra note 12. 20

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CHAPITRE 3- LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

d'intervenir dans l'affaire pour faire reconnaître son propre titre, " · valoir que cette partie de l'île résultait dans les faits de remblais avaient empiété au fil des ans sur le lit du fleuve Saint-Laurent. terrains étaient cadastrés. Pour déterminer qui, du promoteur ou l'État était propriétaire du terrain en cause, le juge Archambault a appel aux principes sui vants : ( 1) aucune concession sans ti tre exprès; (2 ) présomption de non-concession des biens de la Couronne; (3) pouvoirs illimités du Souverain d'aliéner tout bien du public; (4) la ligne des hautes eaux délimite la propriété de l'État; (5) la concession doit respecter les fom1 alités prescrites, et ce puis le 16 mars 1916; (6) le cadastre ne confère aucun titre. Nous revenons plus en détail sur deu x de ces principes, celui aux pouvoirs du Souverain et celui relatif aux formalités.

3.5.1.3 Le droit du Souverain d'aliéner son domaine Le troisième principe nous rappelle qu'il était loisible au de concéder quelque partie de son domaine qu'illui seyait. Le pr est notamment illustré par la concession de • battures», terme que retrouve dans beaucoup d'actes de concession , et qui était en litige l'affaire Vanier notamment. Ce sont des hauts-fonds et des dans un cours d'eau. Elles ne doivent pas être confondues avec la même si le sens moderne de « batture » rejoint celui de grève et que aux eaux sujettes à marée, comme pour les battures de Beaupw Le sens historique de « batture » correspond plutôt à des sites comme Grande batture Tailhandier faisant partie de l'archipel des cherville à hauteur de l'est de l'île de Montréal dans le Saint Ces battures forment une sorte de haut-fond dans le Fleuve, une « d'eau » souvent inondée en gra nde pa rtie, voire complètement. H. quement , ces battures n'étaient jamais concédées seules. Elles avoir une utilité et étaient l'accessoire d'un fonds de terre concédé. les actes de concession où il est question de battures, on les dit « entre «adjace ntes»,« au droit et vis-à-vis»,« auto ur »,« au deva nt » des riveraines concédées 22• Quant à la grève, qui rejoint le sens moderne mot « batture », mais dans les eaux non sujettes à marée, la décision

LA GESTION DE L'EAU

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cour d'appel dans l'affaire Québec (Procureur généraV c. Auger23 laisse lat ndre qu'elle est synonyme de rive lorsqu'il s'agit d'un terrain plat e.n eé entre la ligne des hautes eaux et la ligne des basses eaux. Cette ire visait la de l'île Jésus et les berges lavalloises de la a. des Mille-Iles. Il s'agit d'un cas d'exception où le domaine privé jusqu'à la ligne des basses eaux dans le cours d'eau. L'affaire Société du Port de Québec c. Lortie-Côté 24 pousse à l'extrême ta démonstration de la complexité de la détermination de la limite de propriété des plus anciennes concessions. Elle portait sur la concession d'un fonds de terre en bordure de la baie de Beauport dans le Saint-Laurent. La seigneurie avait été concédée avec « les préz [sic] que ta mer couvre et découvre à chaque marée ». La Cour d'appel s'est prononcée sur le sens véritable de cette expression qui pouvait laisser entendre à première vue que la seigneurie avait été concédée avec la grève du Fleuve. Ce type de concession avait un curieux effet sur le tracé de la limite de propriété entre le domaine privé et le domain e public. Il pouvait dessiner une limite aux allures de « dentelle » ou de ( gruyère », pour reprendre les termes utilisés par le tribunal , la dentelle décrivant une limite découpée et sinueuse qui suivrait la lign e de croissance des prés et le gruyère, un fonds de terre amputé de plaques infertiles, dégarnies de végétation, qui demeureraient en conséquence propriété de l'État. Pour une concession de cette nature, la limite de propriété dépendait en effet de l'endroit où se trouvaient les prés exondés à marée basse. Bien qu'une telle limite aboutisse à un résultat qu'on pourrait considérer absurde dans le contexte immobilier moderne, il avait tout son sens aux débuts de la colonie alors que les prairies naturelles pour faire brouter le bétail étaient pratiquement Inexistantes au Québec, donnant aux prés sur les rivages une grande valeur pour le propriétaire riverain .

3.5.1 .4 Les formalités de la concession , En ce qui a trait au cinquième principe ci-dessus, on peut se référer a l'article 2 de la Loi sur le régime des eaux (L.R.Q., c. R-1 3) pour c.onnaître, selon les époques, les formalités à respecter lors de la concesde la propriété d'un cours d'eau. Avant le 16 mars 1916, aucune 0 fnlalité particulière n'était prévue.

n a toujours été loisible, avant le 16 mars 1916, quel qu'ait été le régime de gouvernement en vigueur, à l'autorité ayant le contrôle et l'administration 23

11

À titre (f exemple et sur le sens des mots cbatt ure• ct egreve. ct les regles applicabk"S matiere de concession. voir Domaine de l'Isle aux Oyes inc c. Québec (Prrxureur (28 juin 20 I ll. Que bec 2Q0-17-0Q8739-Q70 (CSJ. juge Denis Jacques. 2011 QCCS J 19

24

fUébec CProcureur généraD c. Auger (18 juillet 1995), Montréal 500-09-000558-890 (C.A.), ?tis, Deschamps et Rothman, J.E. 95-1443. etete du Port de Québec c. Lortie-Côlé, [1991[ RJ.Q. 25 (C.A.).

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CHAPITRE 3 - LE STATUT JURIDIQUE DE l 'EAU

des terres du domaine de l'État dans le territoire qui fo rme mai ntenant Je Québec ou dans toute partie de ce territoire. d'aliéner ou de louer. pour l'étendue jugée à propos, les lit s et les rives des fleuves, rivières et lacs navigables et flottables et les lit s, ri vages, lais et relais de la mer, compris da ns ledit territoire et faisant partie du domaine de l'État. Depuis le 16 mars 1916, jusqu'au 4 decembre 1974, toute alienation ou tout bail d'un ou de plusieurs des biens mentionnés au premier alinéa ne peut être fait qu'avec l'autorisation expresse du gouvernement et qu'aux conditions et restrictions qu'il indique. Le gouvernement peut, à compter du 4 décembre 1974 jusqu'au 22 décembre 1978, sur recommandation conjointe du ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs et du ministre des Ressources natu· relies et de la Faune, adopter des règlements autorisant le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs à consentir des ve ntes, locations. baux ou pem1is d'occupation sur les rives et le lit des fleuves, rivières et lacs faisant partie du domaine de l'État. ainsi que sur le lit. les lais et les relais de la mer. Les rives susdites s'entendent de la bande de terrain detimitée par les lignes des basses et hautes eaux naturelles. sans débordement. À compter du 22 décembre 1978 le gouvernement peut adopter un règlement autorisant. aux conditions qu'il détem1ine, le ministre du Developpement durable, de l'Environnement et des Parcs à consentir J'aliénation, la location ou l'occupation d'un bien mentionné dans l'alinéa précédent cl à convenir d'une délimitation. Dans les cas non prévus dans un tel règlement, le gouvernement peut autoriser, aux conditions qull détermine dans chaque cas. J'aliénation. l'échange, la location ou l'occupation de ce bien et sa délimita· tion . Il peut également, de la même manière. autoriser le ministre à convenir d'une délimitation de ces biens avec le propriétaire du terrain adjacent.

Pour les concessions du domaine public sur les cours d'eau partir du 16 mars 1916, Je non-respect des formalités à J'époque première concession peut faire en sorte qu'il n'y a pas eu valable du titre el qu'un cours d'eau donné fasse toujours parue domaine de J'État. Le Règlement sur le domaine hydrique de l'État (R.R.Q., c. R-3, r. adopté en vertu de la Loi sur le régime des eaux, permet au ministre Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des de consentir J'aliénation, la location ou J'occupation des rives ou du appartenant au domaine de l'État, et plus spécialement de vendre portions remblayées de ce domaine. Il prévoit des procédures · pour la cession de ces terres publiques. De simples lettres émanant J'administration publique ne suffisent pas, par exemple, à y établir

LA GESTION DE L'EAU

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·r 2s (sauf avant le 16 mars 1916 de part de l'instance ayan t autorité à sur Je domaine public). D ans certains territoires déterminés au rnent, des parties du domaine hydrique public peuvent être vendure ear Je ministre, à un prix représentant 50 pour cent de leur valeur es fïc1e 35 du règlement). La location du domaine hydrique public est itée dans sa durée et les loyers sont établis en fonct ion de la valeur 1101 lot Joué, du type d'utilisation et de la fin poursuivie. Certaines font simplement l'objet d'un permis d'occupation , sans Jocamoyennant le paiement d'un droit minime (articles 10 et suiv.). l'occupation du hyd:ique public avec une petite plateforme ne requiert aucun permis (article 2).

1

3.5.2 Droit de pêche et réserve des trois chaînes Pour les eaux non sujettes à marée, le droit de pêche est accessoire à la propriété du cours d'eau. Dans les eaux à marée, il est public. Que les eaux soient ou non sujettes à marée, l'Etat québécois est Je plus souvent le titulaire du droit de pêche puisqu'il est le plus souvent titulaire du droit de propriété sur Je cours d'eau. Ce lien entre le droit de pêche et la propriété du cours d'eau est à l'origine de l'établissement de la « réserve des trois chaînes » en 1884, à la suite d'un jugement de la . Cour suprême du Canada rendu quelques années plus tôt confirmant que les droits de pêches reviennent au propriétaire du cours d'eau. C'était l'affaire R. c. Robertson 26 • Dans cette affaire, Je gouvernement fédéral tentait, en vertu de sa compétence législative constitutionnelle e? matière de pêcheries, de prélever des droits pour l'installation d'engms de pêches sur le lit d'un cours d'eau au Nouveau-Brunswick. Mais le cours d'eau n e lui appartenant pas, il a été débouté. Or, dans le Québec de l'époque, la concession d'un fonds de terre le 1ong d'un cours d'eau non navigable emportait comme on l'a vu la bopriété du lit du cours d'eau jusqu'au milieu du fil de J'eau. Le c·ouvernement du Québec, qui avait suivi l'affaire Robertson, pris consde l'importance de demeurer propriétaire des cours d'eau et de mettre fin au régime de concession de plein droit des cours n?n nav igable avec la terre riveraine. De la sorte, il conservait d'eur _lu1 le pouvoir, entre autres, de prélever des droits pour la pose nglns de pêche. Le problème ne se posait pas pour les cours d'eau lS

Painch d (C.S) au c.

(Procureu r généraO (2 1 octobre 1992), Montmagny 300-05-000112-899

200.{) M. le Juge C. Rioux, J.E. 92-1 788, conf. par (18 novem bre 1997), Québec 9-D00756-92 1 (C.A.), juges Forget, Pidgeon et Biron , J.E. 97-2164. 16( 1879

-82) 6 R.C.S. 52.

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CHAPITRE 3 - LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

nav igables puisqu'une concession de terre dans ce cas s'arrêtait ligne des hautes eaux. C'est ainsi que, pour les cours d'eau non gables, est née la « réserve des trois chaînes », une réserve « pour pêches » selon les termes de la loi d'origine. Il s'agissait d'une ba te rre born ée par la ligne des hautes eaux (au sens civil) et s' · une profond eur de trois chaînes vers l'intérieur des terres, la étant une ancienne mesure a nglaise de 66 pieds. Celle bande donc 198 pieds ou légèrement plus de 60 mètres vers l'i terres. En 1970, la règle a été élargie aux cours d'eau nav igables.

3.5.2.1 De fins de pêches à pleine propriété Puisqu'il s'agissait à l'origine, d'une réserve dite « pour pêche », le Conseil privé avait exprimé l'avis, dans l'a ffaire M, A.G. of Quebec 11, que cette réserve serait davantage de la nature servitude que d'un titre de propriété. Estimant que son droi t · droit de propriété et non une simple servitude, le Québec voulut fier la question quelques années plus tard, soit en 1919, par la

LA GESTION DE L'EAU

,

(Procureur général) c. Healey 28 , un arrêt lourd de conséquence. La QuebeCuprêrne a conclu que la loi de 1919 déclaratoire et, de ce C?ur snaît simplement confirmer le titre de l'Etat sur les cours d'eau à la réserve des trois chaînes pour les concessions antérieures fait, entrée en vigueur. Toute terre concédée entre 1884 et 1919 le long a.soncours d'eau non navigable était donc sujette à un droit de propriété sur les premiers 198 pieds depuis la ligne des hautes eaux. d de propriétaires_ ayant titre terrain riveram dont la concessiOn d ongme remontait a cette pese du jour au lendemain, pa: suite l'arrêt de _la cour suprême, de stmples occupants du domame pubhc, sans drmt, même si leur titre apparent pouvait remonter à des décennies, voire un siècle plus tôt, étant donné l'ancien article 2213 C.c.B.C. édictant q ue les terres publiques sont imprescriptibles, règle reprise à l'article 916 C.c.Q. 916 (2• alinéa). Cependant , nul ne peut s'approprier par occupation, prescription ou accession les biens de l'État, sauf ceux que ce dernier a acquis par succession , vacance ou confiscation, tant qu'ils n'ont pas été confondus avec ses autres biens. [...)

amendant la Loi de la pêche de Québec et la Loi de la chasse de (S.Q. 1919, c. 31 ). Par celle loi , le législateur remplaçait les mots « des fins de pêche » par les mots « en pleine propriété en faveur Couronne ». L'année d'avant, soit en 1918 comme on l'a vu, il avait une autre mesure, en modifiant l'article 400 C.c.B.C. pour limiter clairement à la ligne des hautes eaux toute nouvelle concession, le long des cours d'eau navigables. Pour les concessions faites à 1919, la règle était claire désormais. La loi précisait qu'il s'agissait réserve en pleine propriété.

Devant l'am pleur des conséquences et bien qu'il ait eu gain de cause en Cour suprême, le Québec a décidé d'abolir la réserve des trois chaînes par la Loi modifiant la Loi sur les terres du domaine public (L.Q. 1987, c. 76). L'article 45 de la Loi sur les terres du domaine de l'État (L.R.Q., c. T-8.1) illustre bien les étapes franchies en un siècle par ce régime particulier de réserve de propriété en faveur de l'État. 45. Depuis Je 1er juin 1884, les ventes et les cessions de terres sont sujettes à une réserve en pleine propriété en faveur du Québec, de 60 mètres et 350 millièmes en profondeur des terres bordant les rivières et les lacs non navigables du Québec.

La modification législative a tout de même provoqué un la situation qui avait prévalu entre 1884 et 1919, c'est-à-dire pe période où les terres avaient été concédées avec une réserve de pieds « pour fins de pêche ». Si la loi de 1919 remplaçant les mots c fin s de pêche » par les mots c en pleine propriété » n'était pas tive, alors les terres concédées de 1884 à 1919 le long des cours non navigables incluaient le cours d'eau. Dans le cas contraire, serait reconnu propriétai re du cours d'eau en front de la terre puisque les 198 premiers pieds lui appartiendraient.

. [dans cet alinéa, la loi reprend, en la convertissant au système métrique, la regle établie en 1884 par la Loi de la pêche de Québec, qui ne visait que les cours d'eau non navigables)

. À compter du 1er janvier 1970, les ventes et les cessions de terres sont à _une réserve, en pleine propriété en faveur du Québec, de 60 mètres et mllhemes en profondeur des terres bordant toutes les rivières et tous les 1acs du Québec.

°

3.5.2.2 L'abolition de la réserve

1

Il aura fallu près de trois quart s de siècle pour que ce dilemme finalement tranché par la Cour suprême en faveur de l'État, dans 28 27

[19 14[ A.C. 258.

119

[dans cet alinéa, la loi confirme une modification à J'ancienne Loi sur les forêts, L.R.Q., c. T-9, qui étend à partir de cette date la réserve des trois Ines aux terres bordant les cours d'eau nav igables)

Québec (Py, ocureur généraV c. Healey, [1987) 1 R.C.S. 158.

120

CHAPITRE 3 - LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

LA GESTION DE L'EAU

À compter du 21 decembre 1977, les ventes et les cessions de terres son1 sujenes à une reserve, en pleine propriete en fa"eur du Québ
elle était sous autorité ou administration publique; elle faisait partie d'une terre visée à l'annexe I de la Loi sur les terres du domaine de l'État (dans ce cas l'État devait confirmer son titre par enregistrement avant le 12 décembre 1993).

[celle modification résulte de l'adoption d u système métrique: pour ra\enir, la reserve allait être de 60 mètres et non plus l'équivalent mètriquc dc 198 pieds. plus long de 350 millimètres. c'est-a-dirc 35 centimètres ou un peu plus d'un pied! Les ventes ou cessions de terres consenties après le 17 décembre 1987 ne sont plus sujenes à la réserve. en pleine propriété en faveur du Québec, de 60 métres en profo nde ur des terres bordant toutes les ri vières et tous les lacs du Qué bec. [lc 17 décembre 1987 est la date de l'abolit ion, pour l'avenir. de la réserve

des trois chaînes lors d'une nouvelle concession de terre! (annotatio ns entre crochets ajoutees)

L'abolition de la réserve a entraîné d'autres complications, ment quant à la détermination de qui devenait propriétaire de la de terre rétrocédée par l'État. Des modifications en date du 12 bre 1991 à la Loi sur les terres du domaine de l'État édictenl dévolution de la réserve des trois chaînes va au titulaire {ou à ses droit) des lettres patentes ou de l'acte notarié à qu i la terre a été (( depUiS la dale deS lettreS palenleS OU de racle notarié La lion pouvait aussi avoir un autre effel non souhaité par l'État. caractère rétroactif de la dévolution, un propriétaire riverain redevenir propriétaire du cours d'eau si celui-ci n'était pas nav· si le litre d'origine élail antérieur au 9 février 191 8 (on a vu plus que depuis celle dale, il n'y a plus de concession de plein droit cours d'eau non navigable avec la terre riveraine). Ce risque a envisagé par le législateur el l'alinéa 3 de l'article 45.1 de la Loi sur terres du domaine de l'État prévoit expressément que la dévolution peul avoir l'effel de fa ire passer la propriété d u cours d'eau dans domaine privé. Malgré toutes ces règles, il a été nécessaire de mai menir la dans cert ains cas. La bande de terre ou une portion de celle-ci demeurée dans le domaine public si, au moment de la dévolution : elle faisait l'objet d'un bail consenli pa r l'Étal en faveur liers; 29

Sur cene questio n de declaration de proprie te en regard de la rèsen e des voir : Stosik c. Violon (19 janvier 2008). labelle 565- 17.000009-û-!9 (CS.). juB Philippe La ndr y, 2008 QCCS 2-t4; Valiquelle c. Violon ( 17 ma i 101 0). 565- 17-Q00033-Q56 (CS .). juge Pierre Dallaire. 2010 QCCS 2854 et Lem sseur c. (28 novem bre 2008). Kamouraska 25(}-1 7-Q00365-Q51 (CS.). juge Gilles Blanchet. QCCS 5734.

121

De plus, les chemins forestiers, miniers ou utilisés à des fins publis sont demeurés dans le domaine public, même s'ils étaient situés la bande de terre de 198 pieds.

3.5.3 Les propriétés fédérales L'État provincial n'est pas le seul à détenir la propriété des terres submergées non Dans les limites prévues par la Loi constitutionnelle de 186730 l'Etat fédéral est lui aussi propriétaire de certaines portions de terres submergées. L'article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867 édicte qu'appartien n en t au Canada les travaux et propriétés publics de chaque province énumérés à la troisième annexe de la loi. Aux paragraphes 1 et 2 de cette loi , on retrouve les canaux, incluant les terrains et « pouvoirs d'eau » qui y sont adjacents et les havres publics. 108. Les travaux et propriétés publics de chaque province, énu mérés dans la troisième an nexe de la présente loi, apparti endront au Canada.

Les propriétés de la troisième annexe touchan t le domaine hy- · drique public sont les suivantes :

1. Canaux, avec les terrains et pouvoirs d'eau y adjacents. 2. Havres publics.

À moins d'expropriation par le gouvernement du Canada des terres à l'aménagement de canaux ou de ports depuis la Confédération , la propriété fédéra le sur les canaux et havres publics se limiterait à l'étendue que ceux-ci avaient au moment de la création du Dominion Canada, du moins à la lumière de la décision City of Montreal vs. arbour Commissioners of Montreal du Conseil privé 31 • Pour les canaux et havres publics qui existaient en 1867, le Canada jouit de tous les du droit de propriété sur le cours d'eau et tous les autres droits cUl Y sont rattachés. La propriété fédérale peut aussi s'étendre dans un d'eau des fins de compétence fédérale, dont la navigation, qui sont nécessaires à son exercice, mais par voie ' ec les attnbuts d expro . . Yoi comme cela s'est produit pour l'aménagement de la e mantime du Saint-Laurent. Jo A li

l'Acte de L'Amérique du Nord britannique, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.).

26) A.C. 299.

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CHAPITRE 3- LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

La plupart des réserves indiennes sont parsemées de lac et de d'eau . Ces territoires ne sont pas nécessairement des propriétés raies et, en conséquence, les cours d'eau qui y coulent non plus. taines réserves sont situées sur des terres dont l'administration, non la propriété, est cédée au gouvernement fédéral par le Québec. d'autres réserves, la province conserve la nue-propriété du sol que le gouvernement fédéral en a l'usufru it. Enfin, dans d'autres cas, fédéral possède les terres de la réserve en pleine propriété.

3.6 La propriété des forces hydrauliqu Contrairement au droit de pêche, qui est l'attribut du droit propriété du lit, les forces hydrauliques seraient rattachées à la propri""" du fonds riverain et du lit , comme le laisserait entendre un renvoi 1929 de la Cour suprême, Re Waters and Waterpowers 3!. Selon pl auteurs, la propriété du fonds riverain pourrait suffire à donner aux forces hydrauliques, même si elles ont été déclarées par la Loi sur régime des eaux comme étant d'intérêt public, déclaration qui ne sert fait qu'à fonder le droit d'expropriation dont jouit tout détenteur forces hydrauliques en vertu de la Loi sur le régime des eaux. L s'étant réservé la propriété des rives par la réserve des trois chaînes. serait demeuré titulaire du droit de propriété sur les forces hydraur pour la majorité des terres concédées depuis le 1cr juin 1884 le long cours d'eau non navigables et, depuis 1970, le long des cours navigables. On a vu cependant que l'État a cessé d'être propri riverain pour toutes les terres où il y a eu dévolution de la réserve trois chaînes en faveur du détenteur du titre originaire. Dans ce l'absence de réserve expresse des forces hydrauliques en faveur de celles-ci devraient en principe appartenir au x propriétaires riverains. L'article 3 de la Loi sur le régime des eaux, dans la version qui antérieure à la dévolution , prohibait la cession des forces hydrauli du domaine public et la prohibe toujours, sous réserve de la Loi Hydra-Québec (L.R .Q., c. H-5). Cette disposition a-t-elle eu pour d'empêcher la rétrocession des forces hydrauliques avec la des terres riveraines? Cela est loin d'être clair et c'est sans doute établir une fois pour toutes le titre de l'État sur les forces hydrauli qu'une modification déclaratoire a été apportée en 2006 à l'article 3 à cet article la Loi sur le régime des eaux. Un dernier alinéa que la propriété des force s hydrauliques de l'Etat est et a toujours rattachée à la propriété du lit du cours d'eau. Dans tous les cas o ù r est resté propriétaire du lit du cours d'eau , il reste propriétaire des J!

11 9291 R.C.S. 200.

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drauliq ues à moins d'avoir expressément cédées celles-ci par un titre llYJable. La modification déclaratoire apportée à la Loi sur le régime des laisse entendre que le législateur a prêté foi à la doctrine qui eattache la propriété des forces hydrauliques à la propriété du fonds riverain. En effet, il a senti d'une part le de rattacher la propriété forces hydrauliques du domaine de l'Etat à celle du lit des cours d'eau dont il est propriétaire, mais d'autre part il n'a pas étendu cette règle aux cours d'eau qui sont déjà passés dans le domaine privé, ce qu'il aurait pu faire en modifiant le Code civil. Nous avons vu plus haut que par l'effet de l'article 108 de la Loi terrains et pouvoirs d'eau y adjacents » font partie du domaine de l'Etat fédéral. Les « pouvoirs d'eau », calque de l'anglais « waterpowers », ce sont les forces hydrauliques. Dans tous les canaux devenus fédéraux en 1867, les forces hydrauliques que le courant et la déclivité y génèrent sont donc de propriété fédérale. Les ouvrages exploitant ces forces sont même déclarés à l'avantage général du Canada par la Loi sur les fo rces hydrauliques du Canada (L.R.C. 1985, ch. W-4), de sorte que ces ouvrages, même exploités par une entreprise locale dans une province, relèvent de la compétence législative exclusive du Parlement. De plus, dans l'affaire

constitutionnelle de 1867, les« canaux, avec

Québec (Procureur général) c. Algonquin Développements Côte Ste-Catherine inc., la Cour supérieure attribue à l'État fédéral la propriété des

forces hydrauliques rattachées à la Voie maritime du Saint-Laurent, dont les terres ont été expropriées par le gouvernement du Canada dans les années cinquante 33 •

3.7 L'eau, bien marchand Il est actuellement beaucoup question de la mise en marché de l'eau, qu'il s'agisse d'eau embouteillée ou d'eau exportée en vrac. Pour à cette menace, le Québec s'était doté d'une loi spéciale en 1999, auJourd'hui abrogée, la Loi sur la préservation des ressources en eau (L.R.Q., c. P-18.1) qui, par son article premier, visait tout autant les eaux que les eaux de surface. Par son article 2, elle cherchait à Lmtter l'exportation d'eau depuis le Québec : 2. À compter du 21 octobre 1999, il est interdit de transférer hors du Québec des eaux qui sont prélevées au Québec. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable aux eaux prélevées pour: ]]

Québec (Procureur généraO c. Algonquin Développements Côte Ste-Catherine inc. (DéveloppeHydroméga incJ (27 mars 2009), Montréal 500-05-027481-967 (C.S.), juge Danielle cher, 2009 QCCS 1198; cette décision a été infirmée en 20 Il par la Cour d'appel, mais sur une question d'ordre fiscal , 20 Il QCCA 1942.

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CHAPITRE 3- LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

l' la production d'energie electrique;

2· être commercialisees comme eau de consommation humaine, P<>ur autant que ces eaux soient emballees au Quebec dans des contenants de 20 litres ou moins; 3· l'approvisionnement en eau potable d'etablissements ou d'habitations situes dans une zone limitrophe; 4· l'approvisionnement de vehicules, tels les navires ou les avions, que ce soit pour les besoins des personnes ou des animaux transportes, ou pour le ballastage ou d'autres besoins lies au fonctionnement de ces vehicules.

Cette règle est aujourd'hui reprise par l'article 31.105 LQE, été introduit dans la LQE par l'article 19 de la Loi de 2009 sur Nous y revenons au chapitre 7. 31.105. Depuis le 21 octobre 1999, il est interdit de transferer hors du Quebec des eaux qui y sont prelevees. Toutefois, et sous reserve des dispositions de la sous-section interdiction n'est pas applicable aux eaux prelevees pour :

1· la production d'energie hydroelectrique;

2" être commercialisees comme eau de consommation humaine, pour autant que ces eaux soient emballees au Quebec dans des contenants de 20 litres ou moins; 3· l'approvisionnement en eau potable d'etablissements ou d'habitations situes dans une zone limitrophe; 4· l'approvisionnement de vehicules, tels les navires ou les avions, que ce soit pour les besoins des personnes ou des animaux transportes, ou pour le ballastage ou d'autres besoins lies au fonctionnement de ces vehicules.

À l'échelle internationale, l'eau prend progressivement place le droit commercial. Depuis une dizaine d'années, on la retrouve des accords commerciaux. Dans la description des biens « sables », I'OMC n'exclut pas l'eau, mais c'est dans l:4ccord de échange nord-américain (« ALÉNA ») que se manifeste le stade le avancé de sa libéralisation. La crainte d'une marchandisation de entraîné un nouveau débat, celui du statut juridique à attribuer à faisant l'objet d'un commerce ou susceptible d'en faire l'objet. L'eau voit qualifiée tantôt de bien social, tantôt de bien économique partie du patrimoine commun de l'humanité, concepts qui s'opposent celui de marchandise. À titre d'exemple, la Déclaration de Dub/ilrH connaît l'eau comme un bien économique, Action 21 35 aborde comme un bien social et économique, tandis que la Déclaration

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. l[e de La Haye du 22 mars 2000 36 insiste sur les aspects économiques, rie . ux environnementaux et culturels. socJa '

3.7.1 Les accords du GATT

L'eau ne peut être un bien marchand que si elle est susceptible d' ppropriation. Tant qu'elle coule, elle ne l'est pas. La commercialisade l'eau ne se limite pas aux modes d'appropriation que prévoit /article 91 3 C.c.Q. Elle se raffine (par exemple, les compteurs d'eau errnettent maintenant de quantifier individuellement un service de Qui n'a pas vu l'eau embouteillée mise en marché et provenant d'eau municipaux? s'approprie-t-il amsi par « occupatiOn » une chose commune? S'il paie des droits à la municipalité qui l'approvisionne, ces droits sont-ils destinés à couvrir le service de traitement et de distribution dont il bénéficie ou s'agit-il de la vente d'un bien par la municipalité, à savoir l'eau potable? L'eau vendue comme breuvage serait une marchandise et serait, par exemple, sujette à l'ALÉNA et au GATT (General Agreement on Tariffs and Trade ou Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 37) . Le GATT vise des produits, mais il n'y a pas de définition de ce terme. L'eau d'un lac ne serait certainement pas un « produit », mais il en serait tout autre de l'eau embouteillée ou de l'eau transportée dans un tanker ou un pipeline. Toutefois, le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises du GATT comporte un code tarifaire pour l'eau qui semble s'étendre aux eaux naturelles : 22.01. eaux, y compris les eaux minérales naturelles ou artificielles et les eaux gazéifiées, non additionnées de sucre ou d'autres édulcorants ni aromati· sées; glace ou neige.

, Selon la note explicative qui accompagne ce code, il comprend «1eau naturelle ordinaire de tout genre autre que l'eau de mer, cette eau. assujettie à ce numéro qu'elle soit ou non clarifiée ou pu:JfJée ». Quant à l'eau« marchandisable »,c'est l'article XI du GATT qqu' le plus critique en prohibant l'imposition de restrictions uantnatives. XI. Aucune partie contractante n'instituera ou ne maintiendra à l'impor· d'un produit originaire du territoire d'une autre partie contractante, à ou à la vente pour l'exportation d'un produit destiné au territoire une autre partie contractante, de prohibitions ou de restrictions autres que ministérielle de La Haye sur la sécurité de l'eau au XXI• siècle (2000), 22 mars

11 p H

35

Conjèrence de Dublin sur l'eau dans la perspecl il•e d'un déreloppemem durable de 1992. A/CONF.I51 / 26/ Rev.l.

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. '

neForum mondial sur l'eau , CME, La Haye.

partie de l'acte final de l'Uruguay Round de négociations commerciales de 6-1994 , Organisation mondiale du commerce.

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CHAPITRE 3 - LE STATUT JURIDIQUE DE L'EAU

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des droits de douane, taxes ou autres impositions. que l'application en soit faite au moyen de contingents. de licences d'importation ou d'exportation ou de tout autre procédé.

(2) Au présent article, « eaux ) s'entend des eaux de surface ou souterraines naturelles, à l'état liquide, gazeux ou solide, à l'exclusion de l'eau mise en emba llage comme boisson ou en citerne.

3.7.2 L'eau et I'ALÉNA L'ALÉNA est au même effet à l'article 309 : 309. Sauf disposit ion contraire du présent accord. aucune des Parties ne pourra adopter ou maintenir une interdiction ou une restriction à l'importation d'un produit d'une autre Partie ou à l'exportation ou à la vente pour exportation d'un produit destiné au territoire d'une autre Partie. sauf en conformité avec l'article X 1 de l'Accord général. et ses notes intcrprétati\eS: à cette fin, l'article X 1 de l'Accord général et ses notes interpretati\CS. ou toute disposition équivalente d'un accord qui lui aura succédé ct auquel toutes les Parties auront adhéré. sont incorporés au présent accord ct en font partie intégrante.

L'article X 1 du GATT est tout de même sujet à exceptions, celle relative aux mesures destinées à protéger l'être humain, les maux, les plantes et la santé, ou encore celle qui touche l'épu· des ressources lorsqu'assorties de mesures restrictives au plan tique, prévues toutes deux à l'article XX du GATT. ô :ceptioiiS générales Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international , rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux:

La Commission de coopération environnementale établie en vertu de I:4ccord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement (« ANACDE ») redoute pour sa part, dans son Rapport sur la gestion des eaux intérieures limitrophes et transfrontalières en Amérique du Nord, publié en 2001, que les principes d'équité qui sous-tendent les règles de répartition de l'eau entre les pays soient éclipsés par les valeurs commerciales, telles que le traitement réciproque et le traitement de la nation la plus favorisée. De son côté, la Commission mixte internationale(« CMI »),établie en vertu du Traité des eaux limitrophes et régissant notamment l'usage commun des Grands Lacs et du Saint-Laurent par le Canada et les États-Unis, a publié un rapport en 2000 où elle considère peu probable que l'eau à l'état naturel (c'est-à-dire dans un lac, une rivière ou un aquifère) soit visée par les accords commerciaux, qu'il s'agisse de l'ALÉNA ou du GATT. La CMI a fait la synthèse d'opinions d'experts qu'elle a sollicitées et ses constatations se résument comme suit, dans son rapport de 2000, et rejoignent le point de vue des gouvernements canadien et américain : Les dispositions de I'ALÉNA et de l'accord de l'OMC n'empêchent pas les États de prendre des mesures pour protéger leurs ressources en eau et préserver l'intégrité de bassins internationaux, s'il n'y a pas de discrimination à l'égard d'individus de l'autre pays; Ces accords n'affectent pas le droit souverain d'un gouvernement de décider s'il autorisera l'exploitation des ressources naturelles relevant de sa juridiction et à quel rythme;

g) se rapportant a la conservation des ressources naturelles épuisables. si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions a la production ou à la consommation nationales:

Malgré des ventes ou dérivations par le passé, les gouvernements peuvent toujours décider de ne pas en accorder davantage;

Les dispositions du chapitre Il de l'ALÉNA s'appliqueraient ressources en eau, incluant le droit d'accès à l'eau à l'état naturel. Si gouvernements d'une partie autorisaient le prélèvement d'eau, les · tisseurs d'une autre partie à l'ALÉNA auraient les mêmes droits par fet des articles Il 02 et Il 03. Cependant, l'article 7 de la Loi porlalll en œuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain (S.C. 1993, ch. exclut l'eau de surface ou souterraine :

à moins d'entrer sous le couvert des exceptions relatives à la santé ou à la

( 1) Il demeure entendu que ni la présente loi ni l'Accord. à l'exception de l'article 302 )sur l'élimination des droits de douane) de celui-ci, ne s'appliquent aux eaux.

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La vente autorisée d'eau ne doit pas être restreinte aux marchés intérieurs conservation, mais des décisions récentes de l'instance d'appel de I'OMC laissent croire qu'on se souciera davantage du caractère discriminatoire ou arbitraire d'une mesure que du fait qu'elle est liée à la conservation d'une ressource épuisable ou à la protection de la santé; Pour éviter de tomber sous le coup des dispositions de I'ALÉNA relatives aux investissements, les gouvernements canadien et américain doivent énoncer clairement et de manière transparente et cohérente leurs politiques de gestion de l'eau limiter dans le temps la durée des autorisations délivrées et faire en sorte n'y ait pas un droit automatique au renouvellement à l'expiration de ces autorisations, sans priorité par rapport aux tiers.